Les ESIT : un soutien à l’intégration des immigrants

Les entreprises sociales et plus particulièrement les entreprises sociales d’insertion par le travail (ESIT) sont des organisations qui aident à fortifier le maillot social des régions et qui méritent d’être mieux connues par la population. Ces entreprises offrent des services à leur communauté, tout en favorisant l’implication de travailleurs en quête d’une expérience de travail dans la réalisation de leurs activités économiques. Et c’est grâce à cette expérience de travail au sein d’une ESIT que les travailleurs partent outillés afin de s’insérer dans le marché du travail une fois leur participation complétée.

Qu’est-ce qu’une entreprise sociale ?

Malgré le fait qu’une entreprise sociale n’a pas de définition ni de forme juridique précise ni au Canada ni au Québec, on pourrait dire qu’elle est une organisation qui produit des revenus et dont l’objectif est d’avoir un impact social ou des retombées sociales.

Pour mieux comprendre ce concept, prenons la définition proposée en 2002 par la secrétaire au Commerce et à l’Industrie du gouvernement britannique, P. Hewitt[1] : « une entreprise sociale est une activité commerciale (business) ayant essentiellement des objectifs sociaux et dont les surplus sont principalement réinvestis en fonction de ces finalités dans cette activité ou dans la communauté, plutôt que d’être guidés par le besoin de maximiser les profits pour des actionnaires ou des propriétaires ». Ces entreprises à vocation sociale augmentent donc significativement les opportunités de développement des communautés où elles sont installées.

D’ailleurs, depuis 2011[2], la Commission européenne considère une entreprise sociale comme une entreprise…

    • « Qui a pour objectif principal d’avoir une incidence sociale. Cela la différencie des entreprises “normales”. En effet, ces dernières ont pour but de générer des bénéfices pour ses propriétaires ou à ses partenaires ;
    • Qui opère sur un marché en fournissant aussi bien des biens que des services. Elle le fait de façon entrepreneuriale et utilise par la suite ses gains à des fins sociales ;
    • Et enfin, qui est soumise à une gestion tant responsable que transparente. Pour ce faire, elle associe les employés, les clients et les parties prenantes concernées par les activités économiques de cette dernière. »

Et depuis 2014 ces organisations jouissent en France du statut de ESUS (Entreprises solidaires d’utilité sociale) qui leur permet d’obtenir du financement par le biais de la collectivité nationale.

Au Québec, on parle plutôt d’Entreprises d’économie sociale qui sont évaluées par des critères économiques (doivent viser l’autonomie financière sans viser des profits pour leurs membres) et sociaux (doivent rendre service à la communauté).

Parmi elles, on peut trouver des coopératives, des organismes à but non lucratif, des organismes de bienfaisance enregistrés, des organismes sans but lucratif, entre autres. Quand on pense ici à des entreprises sociales, on les relie immédiatement à l’entrepreneuriat collectif, mais au Canada, on compte aussi des entreprises privées ayant une vocation sociale.

On en retrouve ainsi des entreprises qui ont des vocations variées et qui soutiennent les communautés, par exemple :

    • Celles qui fournissent des vêtements à bas prix ;
    • Celles qui offrent des services d’alimentation ;
    • Ou même celles qui offrent des biens essentiels.

Il existe, en plus, celles qui sont spécialisées dans l’insertion d’individus dans la société par le biais de l’emploi, soit les entreprises sociales d’insertion par le travail (ESIT).

Qu’est-ce qu’une ESIT ?

Les ESIT sont un sous-ensemble important d’entreprises sociales. Selon O’Shaughnessy (2008)[3], elles sont des organisations différentes qui ont l’objectif commun d’aider les personnes défavorisées sur le plan économique et social à s’insérer sur le marché du travail.  

Au Québec, le Collectif des entreprises d’insertion du Québec a vu le jour en 1996 et a déterminé lors de sa fondation sept critères qui doivent être respectés pour qu’un organisme puisse être considéré comme une ESIT[4] :

    1. Leur mission doit viser l’insertion sociale et professionnelle de personnes en situation d’exclusion.
    2. Elles doivent s’adresser à des personnes qui connaissent des échecs répétés et pour qui les ressources existantes sont inadaptées.
    3. Bien qu’elles doivent être financièrement rentables comme les autres entreprises, les ESIT doivent orienter son activité économique au service de la démarche des participants. Lorsqu’elles produisent des excédents budgétaires, elles doivent les investir dans sa mission.
    4. L’ESIT doit s’engager à accorder un statut de travailleur salarié à durée déterminée à ses participant(e)s, selon les normes de travail en vigueur.
    5. Elle doit offrir un accompagnement personnalisé aux participants en lien avec les problématiques et les difficultés vécues par la personne.
    6. Son approche se voit globale, liant les aspects personnels et professionnels des participants. En fait, ses activités et sa raison d’être sont centrées sur les besoins des individus.
    7. Finalement, le partenariat est la pierre angulaire de son succès. L’ESIT est un carrefour privilégié qui peut promouvoir une réelle concertation parmi les acteurs du milieu. L’objectif, c’est de renforcer les actions pour améliorer la situation de leur clientèle.

Conscient de l’importance des ESIT, le gouvernement fédéral a fait un appel de candidatures pour réaliser une étude longitudinale,[5] dans le but de leur accorder une place au sein de sa stratégie d’aide à l’économie sociale. Le but est de connaître l’impact des ESIT sur des groupes spécifiques de la population comme les immigrants (en les compilant par origine) ; les personnes handicapées ou en situation de vulnérabilité.

Une fois ces impacts déterminés, le gouvernement canadien compterait injecter des ressources dans le milieu afin de renfoncer les activités des organismes communautaires qui aident les individus dans leur intégration au marché du travail, et même de promouvoir la fondation de nouveaux organismes.

Des impacts positifs prouvés

L’expérience québécoise depuis plus de 20 ans suggère que ce type d’entreprises constituent une passerelle importante vers le marché du travail, étant donné qu’elles ont aidé des milliers de personnes à intégrer le marché de l’emploi. En 2019 par exemple, selon le rapport annuel des entreprises d’insertion sociale, ces entreprises ont formé plus de 3000 personnes dont le 72 % ont intégré un emploi et 7 % sont retournés aux études.

Leur chiffre d’affaires global avait presque atteint les 109 millions de dollars en 2021, dont 64 millions provenant de la vente de produits et de services[6]. Ainsi, ces organisations ont construit, au fils des ans, une expertise qui leur permet de rapprocher les chercheurs d’emploi en situation de vulnérabilité aux besoins du marché du travail.

Les entreprises sociales d’insertion par le travail sont alors une option intéressante pour les immigrants qualifiés, particulièrement ceux appartenant à la communauté noire du Québec, qui sont en quête d’opportunités leur permettant de s’insérer dans le marché de l’emploi et d’assurer par conséquent leur intégration à leur société d’accueil.

______________

[1] Cairn.info. L’émergence du concept d’entreprise sociale. Jacques Defourny. 2004. Page 9 (Tome XLIII). Disponible sur le site : https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2004-3-page-9.htm#pa28

[2] Entreprise sociale. Article disponible sur le site d’infonet à l’adresse suivante : https://infonet.fr/lexique/definitions/entreprise-sociale/

[3] Financement pour le volet des projets de recherche longitudinale — Entreprises sociales d’insertion par le travail Phase II. Entreprises sociales d’insertion par le travail. Définition par O’Shaughnessy, disponible sur le site : https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/services/financement/entreprises-sociales-insertion-travail-recherche-longitudinale.html

[4] Le Collectif des entreprises d’insertion du Québec. L’entreprise d’insertion, un modèle unique. Section : Les 7 critères. Consultés le 27 février 2023, sur le site : https://collectif.qc.ca/les-entreprises-dinsertion/les-entreprises-dinsertion/#entreprise-quest-ce

[5] Financement pour le volet des projets de recherche longitudinale — Entreprises sociales d’insertion par le travail Phase II. Disponible sur le site : https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/services/financement/entreprises-sociales-insertion-travail-recherche-longitudinale.html

[6] Rapport annuel 2022 du Collectif des entreprises d’insertion par le travail du Québec, page 17. Disponible au téléchargement sur le site : https://collectif.qc.ca/wp-content/uploads/2022/05/rapport-annuel_CEIQ_2021_final.pdf

Déqualifié à cause de la surqualification ?

La surqualification, vous connaissez ? Bon nombre d’immigrants sont touchés par ce phénomène. Ce terme fait référence à une personne occupant un emploi ou postulant pour un emploi dont les compétences exigées sont inférieures à son niveau d’études. Environ un Canadien sur trois occupe un emploi pour lequel il est surqualifié.

 
Une affaire d’immigrants

Selon des conclusions tirées par les économistes Brahim Boudarbat et Calude Montmarquette à la suite d’une étude qu’ils ont réalisée en 2017, et qui a été citée sur le site Web du CAPRES (Consortium d’animation sur la persévérance et la réussite en enseignement supérieur), « parmi les facteurs qui exerceraient une grande influence sur la surqualification, le statut d’immigrant·e en serait un particulièrement déterminant. En effet, le phénomène toucherait davantage les personnes immigrantes que celles nées ici et l’écart serait particulièrement élevé entre les diplômé·es universitaires de ces deux groupes. »

 
Le cas de M. Shanga

M. Gian Sangha, un immigrant possédant un doctorat et appartenant à une minorité visible, a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de l’homme, car sa candidature pour un poste d’agent de la réglementation à l’Office des terres et des eaux de la Vallée du Mackenzie (Mackenzie Valley Land and Water Board) avait été rejetée en raison de sa surqualification, et ce après avoir passé par le processus d’entrevue en 2001.

En 2006, le Tribunal canadien des droits de la personne et la Cour fédérale ont conclu que : « lorsqu’un immigrant appartenant à une minorité visible a été sélectionné pour passer une entrevue quant à un poste à l’Office [des terres et des eaux de la Vallée du Mackenzie], l’Office mette fin à toute politique ou pratique qui exclurait automatiquement ce candidat au motif qu’il est surqualifié pour l’emploi ». Depuis, cette conclusion, considérée comme historique, a été citée dans de nombreux cas.

La question de la déqualification des immigrants en raison de leur niveau d’études n’est donc pas nouvelle, et elle continue à être aujourd’hui une problématique bien réelle, accentuée par la pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans le pays et qui se traduit par un surplus de postes non qualifiés à combler.

Malgré le besoin de travailleurs dans le marché de l’emploi, lorsque les employeurs analysent une candidature d’une personne surqualifiée, ils sont confrontés à plusieurs enjeux :

    • La satisfaction au travail ;
    • Les possibilités de permanence de la personne dans le poste ;
    • La relation avec son supérieur ;
    • L’intégration dans l’équipe (relation avec ses collègues) ;
    • Les raisons pour postuler à un travail exigeant moins de qualifications.

 

Les conséquences de la surqualification sur la personne immigrante

Notre directeur au CRAVE, Ambroise Guillaume, s’est penché sur la question et a constaté dans ses observations de recherche que la barrière de la surqualification affecte de plusieurs façons la personne immigrante surqualifiée, qui peut :

    • Se voir refuser automatiquement des opportunités d’emploi qui représentent, souvent, sa seule option de travailler dans son domaine d’expertise ou d’acquérir de l’expérience canadienne ;
    • Se sentir démotivée (voire déprimée) en raison de tâches et de responsabilités en deçà de ses compétences et de ses capacités (on lui demande fréquemment d’exécuter et d’éviter de réfléchir) ;
    • Constater que les investissements faits (temps, argent et efforts) dans ses études postsecondaires ne sont pas récompensés adéquatement (habituellement, ces employés gagnent un salaire moindre que celui reçu par ses collègues ayant le même niveau d’études et occupant un emploi à la hauteur de leurs qualifications) ;
    • Se sentir dévalorisée par son superviseur immédiat (qui a parfois un profil inférieur à celui de son subordonné, et par ce fait se sent mal à l’aise dans sa relation de travail) ;
    • Être systématiquement traitée de façon différente par rapport à ses collègues de travail non surqualifiés (en raison de cet inconfort hiérarchique, l’immigrant occupant un poste sous-qualifié se sent obligé de « cacher » ses compétences, et en même temps toute « erreur » commisse — ou apparemment commise — est remarquée ;
    • Renoncer à sa profession et décider d’exercer un métier exigeant peu des diplômes dans un autre domaine.
 
La règle d’or

Pour notre fondateur au Centre de Recherche-Action sur le Vivre-Ensemble, la règle d’or pour contrer cette barrière à laquelle sont confrontés bon nombre de nouveaux immigrants est de rester discret ; de communiquer juste ce qui est pertinent selon le poste convoité. Ici, moins, c’est plus ! Et cela n’inclut pas exclusivement le CV et la lettre de motivation, mais aussi son profil sur des réseaux sociaux comme LinkedIn. Ceux-ci sont souvent consultés par les employeurs potentiels, ou, une fois en fonction, par les superviseurs directs.

Souvenons-nous du principe mentionné dans notre dernier billet de blogue sur les métiers cachés, selon lequel « on ne peut pas être au sommet sans passer par la base » et qui, dans la pratique, est observé au Québec. Alors, immigrant qualifié, gardez en tête vos objectifs et donnez-vous l’occasion de vous faire connaitre dans votre champ d’activité en déployant vos compétences — et vos ailes — au fur et à mesure que vous vous faites une place ici.

Les métiers cachés : une alternative pour mieux s’intégrer au marché du travail québécois

Suivant notre approche pratique et engagée du CRAVE, nous vous proposons une option qui s’offre aux immigrants afin d’intégrer le marché du travail du Québec d’une façon ascendante, plus rapide et moins coûteuse. Il s’agit des « métiers cachés » que nous appelons aussi « emplois cachés ». Ce sont toutes les activités professionnelles qui se situent au niveau technique, qui correspondent aux diplômes secondaires ou collégiaux tels qu’un DEP (diplôme d’études professionnelles) ou un DEC (diplôme d’études collégiales), et qui sont, souvent, au-dessous du niveau de carrière visée, soit les diplômes universitaires allant du baccalauréat jusqu’au postdoctorat.

Un espace pour la réflexion qui mène à l’action !

Bienvenue sur le blogue de notre organisme, le Centre de recherche-action pour le vivre-ensemble, CRAVE. Vous y trouverez des articles inspirés de nos recherches universitaires sur le vivre-ensemble, de nos méthodologies inclusives et participatives, et des thématiques qui nous permettent de faire la différence dans la vie des immigrants du Québec comme :

Nous sommes un OSBL engagé avec le vivre-ensemble à travers la recherche-action. Notre mission est de valoriser la diversité et de favoriser l’intégration socio-économique des immigrants du Québec.

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