Déqualifié à cause de la surqualification ?

La surqualification, vous connaissez ? Bon nombre d’immigrants sont touchés par ce phénomène. Ce terme fait référence à une personne occupant un emploi ou postulant pour un emploi dont les compétences exigées sont inférieures à son niveau d’études. Environ un Canadien sur trois occupe un emploi pour lequel il est surqualifié.

 
Une affaire d’immigrants

Selon des conclusions tirées par les économistes Brahim Boudarbat et Calude Montmarquette à la suite d’une étude qu’ils ont réalisée en 2017, et qui a été citée sur le site Web du CAPRES (Consortium d’animation sur la persévérance et la réussite en enseignement supérieur), « parmi les facteurs qui exerceraient une grande influence sur la surqualification, le statut d’immigrant·e en serait un particulièrement déterminant. En effet, le phénomène toucherait davantage les personnes immigrantes que celles nées ici et l’écart serait particulièrement élevé entre les diplômé·es universitaires de ces deux groupes. »

 
Le cas de M. Shanga

M. Gian Sangha, un immigrant possédant un doctorat et appartenant à une minorité visible, a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de l’homme, car sa candidature pour un poste d’agent de la réglementation à l’Office des terres et des eaux de la Vallée du Mackenzie (Mackenzie Valley Land and Water Board) avait été rejetée en raison de sa surqualification, et ce après avoir passé par le processus d’entrevue en 2001.

En 2006, le Tribunal canadien des droits de la personne et la Cour fédérale ont conclu que : « lorsqu’un immigrant appartenant à une minorité visible a été sélectionné pour passer une entrevue quant à un poste à l’Office [des terres et des eaux de la Vallée du Mackenzie], l’Office mette fin à toute politique ou pratique qui exclurait automatiquement ce candidat au motif qu’il est surqualifié pour l’emploi ». Depuis, cette conclusion, considérée comme historique, a été citée dans de nombreux cas.

La question de la déqualification des immigrants en raison de leur niveau d’études n’est donc pas nouvelle, et elle continue à être aujourd’hui une problématique bien réelle, accentuée par la pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans le pays et qui se traduit par un surplus de postes non qualifiés à combler.

Malgré le besoin de travailleurs dans le marché de l’emploi, lorsque les employeurs analysent une candidature d’une personne surqualifiée, ils sont confrontés à plusieurs enjeux :

    • La satisfaction au travail ;
    • Les possibilités de permanence de la personne dans le poste ;
    • La relation avec son supérieur ;
    • L’intégration dans l’équipe (relation avec ses collègues) ;
    • Les raisons pour postuler à un travail exigeant moins de qualifications.

 

Les conséquences de la surqualification sur la personne immigrante

Notre directeur au CRAVE, Ambroise Guillaume, s’est penché sur la question et a constaté dans ses observations de recherche que la barrière de la surqualification affecte de plusieurs façons la personne immigrante surqualifiée, qui peut :

    • Se voir refuser automatiquement des opportunités d’emploi qui représentent, souvent, sa seule option de travailler dans son domaine d’expertise ou d’acquérir de l’expérience canadienne ;
    • Se sentir démotivée (voire déprimée) en raison de tâches et de responsabilités en deçà de ses compétences et de ses capacités (on lui demande fréquemment d’exécuter et d’éviter de réfléchir) ;
    • Constater que les investissements faits (temps, argent et efforts) dans ses études postsecondaires ne sont pas récompensés adéquatement (habituellement, ces employés gagnent un salaire moindre que celui reçu par ses collègues ayant le même niveau d’études et occupant un emploi à la hauteur de leurs qualifications) ;
    • Se sentir dévalorisée par son superviseur immédiat (qui a parfois un profil inférieur à celui de son subordonné, et par ce fait se sent mal à l’aise dans sa relation de travail) ;
    • Être systématiquement traitée de façon différente par rapport à ses collègues de travail non surqualifiés (en raison de cet inconfort hiérarchique, l’immigrant occupant un poste sous-qualifié se sent obligé de « cacher » ses compétences, et en même temps toute « erreur » commisse — ou apparemment commise — est remarquée ;
    • Renoncer à sa profession et décider d’exercer un métier exigeant peu des diplômes dans un autre domaine.
 
La règle d’or

Pour notre fondateur au Centre de Recherche-Action sur le Vivre-Ensemble, la règle d’or pour contrer cette barrière à laquelle sont confrontés bon nombre de nouveaux immigrants est de rester discret ; de communiquer juste ce qui est pertinent selon le poste convoité. Ici, moins, c’est plus ! Et cela n’inclut pas exclusivement le CV et la lettre de motivation, mais aussi son profil sur des réseaux sociaux comme LinkedIn. Ceux-ci sont souvent consultés par les employeurs potentiels, ou, une fois en fonction, par les superviseurs directs.

Souvenons-nous du principe mentionné dans notre dernier billet de blogue sur les métiers cachés, selon lequel « on ne peut pas être au sommet sans passer par la base » et qui, dans la pratique, est observé au Québec. Alors, immigrant qualifié, gardez en tête vos objectifs et donnez-vous l’occasion de vous faire connaitre dans votre champ d’activité en déployant vos compétences — et vos ailes — au fur et à mesure que vous vous faites une place ici.